Questions
à Bhismadev Seebaluck
Jeanne Gerval-Arouff from L'express, 7 April 2004.
Votre
livre "Mahabharat, The Eternal Conflict", traite
de la dernière partie de l'épopée
du Mahabharata. C'est la guerre… Serait-ce
prémonitoire, par rapport à la
guerre en Irak ?
Le Mahabharat est une épopée
de guerriers, de héros, et où le Dieu
Krishna lui-même entre en action. A chaque
fois que le monde aura atteint un niveau des plus
vils, Vishnu se réincarnera pour redresser
le mal. Vishnu est revenu comme Krishna dans le Mahabharat.
J'avais déjà lu le Mahabharat. La guerre
du Golfe, en 1991, m'a fait repenser à cette épopée.
Le film passait à ce moment-là à la
télévision. J'ai mis quelques idées
sur papier. Vers 1993, j'ai commencé à écrire
la pièce que j'ai terminée en 1994.
Elle fut jouée en 1995 lors de la réouverture
du Théâtre de Port-Louis. En septembre
2001, il y eut les attaques contre le World Trade
Centre à New York, suivies de la guerre en
Afghanistan. J'ai revisité mon texte, me disant,
un jour viendra où je le publierai. C'est
fait, plus tôt que je ne le pensais.
Pourquoi une pièce de théâtre,
et pas un autre genre ?
J'ai toujours privilégié le théâtre, étant
moi-même un homme de théâtre. J'ai été mêlé à bien
des troupes, dont le Mauritius Drama League, dont je suis le fondateur et The
Arts Institute of Mauritius, dont je suis le fondateur-directeur. On ne pouvait
réécrire le Mahabharat. Mais son message est toujours valable.
On peut toutefois réinventer cette épopée, la redire. Pour
que ça passe de génération en génération…
Ce genre de littérature, pour parler du théâtre, est plus
vivant. J'ai eu le bonheur de voir jouer ma pièce par ma troupe. Deux
metteurs en scène m'ont déjà approché au sujet des
possibilités de la monter.
Quelle est la pertinence du "Mahabharat" dans le monde d'aujourd'hui,
mis à part le cas de l'Irak ? D'autant plus qu'il semblerait que c'est
le mal qui triomphe, avec cette guerre finale qui donne naissance au "kalijug".
Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Tout ce qui se passe dans le monde aujourd'hui
est déjà dans le Mahabharat. Depuis que le monde est monde, il
y a la violence, la haine, l'incompréhension, mais aussi la bonne volonté,
l'amour. Il y a surtout la guerre. Les hommes refusent de comprendre que la guerre
n'est pas une solution. Elle crée beaucoup plus de problèmes qu'elle
n'en résout. Il y a tous ces innocents qui meurent, toute cette destruction.
Ces sommes d'argent dépensées pourraient servir à d'autres
fins. Dans Mahabharat, The Eternal conflict, à un moment, le chef de file
des vainqueurs, Yudhishthir, reproche à Krishna, "Lord, what is this victory
that you have inflicted upon us ?" Un autre dit : "Now you reign over this graveyard".
Même les vainqueurs sont insatisfaits. La victoire les embarrasse, après
avoir tant tué. Krishna a dit qu'il faut que le cycle soit complet. Avant
le Kalijug (chaos), on était déjà à la fin du troisième
cycle. Il fallait absolument aborder et franchir le quatrième. Krishna
est donc venu pour compléter le cycle. Pour que l'humanité retrouve
le Satjug (l'âge d'or).
Les accents du "Bhagavad Gita" résonnent avec force
dans "Mahabharat, The Eternal Conflict"…
On ne saurait parler de la guerre du Mahabharat sans parler du Bhagavad Gita.
Pendant la guerre, Krishna était le conducteur de char d'Arjun. Sur le
champ de bataille, Arjun demande à Krishna d'arrêter le charriot
pour qu'il puisse voir contre qui il doit se battre. Krishna s'arrête entre
les deux armées. Il lui dit de regarder ses ennemis. Arjun, choqué,
lui demande : "Fight whom, Krishna? Kill whom? My own family and kinsmen? What
good will come out by destroying them?" Krishna répond : "Your duty and
destiny is to fight." C'est son karma. C'est une guerre du bien contre le mal.
Il faut la faire. L'homme doit se défaire de son karma jusqu'à ce
qu'il atteigne Krishna.
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