"Mahabharat" ou
le choix fondamental.
Jeanne Gerval-Arouff from
L'express, 7 April 2003.
S'il
est un livre qui vient à point,
c'est bien le Mahabharat - The Eternal Conflit,
pièce en cinq actes, de Bhishmadev Seebaluck,
lancé le 29 mars. La couverture, signée
Sunil Kulkarni, donne à voir la colombe
de la Paix perchée au bout du canon d'un
fusil. Voilà qui évoque, ou plutôt,
invoque un choix, combien complexe par moment,
sinon inextricable pour l'être pris dans
la toile d'arraignée de la vie. Appuira-t-il
sur la gâchette, pour faire exploser la colombe
? Ou, laissera-t-il une chance à la paix
? C'est tout le drame de la guerre d'aujourd'hui.
Qui laisse la planète désemparée.
Ralliée, mais impuissante. Tout en sachant
que la guerre n'est pas une solution. Que résume
avec force la question désespérée
de Yudhisthir à Krishna : "Was it necessary
to sacrifice the lives of hundreds of thousands
of people just to punish the vile Duryodhan ?" Et
la démarche finale de la guerre du Mahabharata,
par un duel entre Vhim et Duryothan retient l'attention.
La pièce interprète la dernière partie de l'épopée
du Mahabharata. Ce chef-d'oeuvre de Vyasa date de plus de 5 000 ans. Il s'agit
de la guerre fratricide entre les Pandavas et les Kauravas. Pavdu, le roi,
chef des Pandavas, meurt très jeune, laissant cinq fils en bas âge.
Il est convenu que son frère, aveugle, Dhritarashtra, aux 100 fils,
règnera jusqu'à sa mort. Son neveu, Yudhishthir, lui succéderait,
mais Dhritarashtra veut que son fils aîné, Duryodhan, accède
au trône. C'est la guerre.
Une écriture nue, directe, vivante, éclaire l'oeuvre de Seebaluck.
Le lecteur pénètre sans peine la pièce. Tout en vivant
la guerre, il vit intensément cette apologie pour la paix, le rejet
de la guerre. Bien que certaines attitudes puissent lui sembler contradictoires.
Comme ces orientations que donne Krishna pour que cette guerre se fasse où il
est question de Karma, ce reflet de la vie précédente sur la
présente. Le lecteur est amené à comprendre que cette ère
du mal, de l'obscurité, qu'est le Kaliyug, et que générera
la guerre, le met devant un choix fondamental, celui du bien et du mal. Celui
de l'obscurité et de la lumière. "On ne peut pas tout mettre
sur le destin", dira l'auteur. Il faudrait retenir que Krishna a pris ici forme
humaine, avec ses limites. Il assume sa condition humaine.
Mais il garde conscience de sa nature divine. Particulièrement éclairants
sont les propos que tiennent la mère de Duryodhan, Gandhari, et Krishna. "Hear
me then, Krishna. I... taking the fruit of... all my previous lives' finances
throw a curse upon you... Whatever you are, man or God, your entire dynasty
will like mad dogs, tear each other up and exterminate itself..." Krishna de
répondre: "Mother ! (NdlR : c'est sa tante), All the deeds that are
performed in this world, I hear safely on my shoulders. During these eighteen
days of most atrocious battle, nobody else but I died a million times."
Nous ne pourrions ne pas mentionner le puissant symbolisme de la cécité,
tel qu'utilisé chez Seebaluck. Le roi Dhritarashtra est aveugle. C'est
toute la période opaque actuelle. Outrepassant le dharma, la droiture
et la justice, il ne respectera pas le pacte conclu. Il voudra couronner ses
propres enfants. Son fils Duryodhan, qu'il aime aveuglement, au point de ne
pouvoir empêcher la guerre, ira encore plus loin. Si la reine Gandhari
a toutes ses facultés, elle se met un bandeau sur les yeux pour, dit-elle,
ne pas jouir d'un avantage sur son mari aveugle. Arjun voit, mais confusément.
Bhishma le patriarche, fait un voeu, qu'il suivra aveuglement sans se soucier
des conséquences sur son entourage. Nous voyons là une gamme
d'aveugles volontaires synthétisant notre Kaliyug.
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