À la recherche de l'enfance perdue
Week End Scope, 09 Zilet 2004.
L'alphabet
se mélange à nouveau dans l'esprit du poète. Entre poésie engagée et lyrisme, son imaginaire déploie les voiles. Sous les étoiles de l'âge tendre, Michel Ducasse nous emmène
jusqu'au bout de l'enfance dans son dernier recueil intitulé Soirs d'enfance.
Après Alphabet et Mélangés, Michel Ducasse nous revient avec Soirs d'enfance.
Un recueil qui se décline en trois volets et offre trois regards différents sur l'enfance. Comme à son habitude, l'auteur nous gratifie d'une présentation riche en couleurs contrastant d'emblée avec l'austérité que l'on prête d'ordinaire aux livres de poésie. Une fenêtre ouvrant sur les étoiles dévoile une conception graphique signée Patrice Offman, et Laval Ng pour des illustrations qui s'immiscent entre chaque poème au fil des pages. Les trois parties sont en des tons pastel, différents selon l'humeur du thème. Hormis les deux poèmes en créole ouvrant et fermant le livre et qui sont, en fait, des textes de chansons, on notera qu'aucun poème
ne porte de titre. Cela, parce que Soirs d'enfance, explique le
poète, se lit comme trois petits recueils dont chaque poème est une continuité du précédent.
Les mots tus. La
première partie traite de la guerre. Les pages sont grises comme pour mieux symboliser le mauvais temps d'une ville assiégée où il tombe des pluies d'obus. Une pluie qui délave l'enfance, ne laissant après l'averse que des êtres meurtris jusque dans l'âme, sur les avenues poudreuses d'une vie anéantie. L'auteur s'interroge : les mots ne sont-ils pas dérisoires face à cette détresse inhumaine ? On a tant écrit sur les affres de la guerre, cela a-t-il changé quelque chose ? Quoi qu'il en soit, les mots sentis de Michel Ducasse ne souillent guère les yeux de lambeaux de chair déchiquetés,
mais, au contraire, disent subtilement les maux qui se taisent.
Ciel adolescent. Des pages verts d'eau pour contenir Une pluie de seize ans, deuxième partie, sans doute la plus sensuelle, sur le thème de l'amour adolescent. L'enfance entamée, nous voilà au début de l'âge
adulte, sous d'autres cieux que celui de la guerre. Une pluie de seize ans respire
un climat tempéré, mais qui, peu à peu, s'embrasera d'amour aux airs d'un accordéon expirant un tango passionnel. Avant cela, cependant, l'auteur nous fait valser au milieu de l'insouciante impertinence de l'âge ingrat au temps des amourettes et des désenchantements. Au temps où flamboient les désirs hésitants sous le soleil des baisers volés, à la saison des amours débutants.
Inspiration. Il
y a un peu du chansonnier chez le poète passionné, non seulement de par le rythme de ses vers, mais aussi par la musique qu'il affectionne : Brel, Brassens, Ferrat… Alchimie entre l'émotion et l'image, associée à un travail sur l'écriture
: Un poème est bon quand il me touche, fait ressortir Michel
Ducasse. On découvre également les poètes fétiches de l'auteur dont on entend sourdre, de part et d'autre dans l'ouvrage, l'influence : Prévert,
Verlaine, Aragon, entre autres.
Enfance retrouvée. Les yeux de Lisa, troisième et dernière partie du recueil, où finalement fleurit l'enfance. Le regard tendre du père qui, à travers la candeur de sa fille, revit par procuration l'enfance qu'il croyait désespérément perdue. Retrouvées les joies, les pleurs, les rires aux éclats d'enfance, l'ivresse des moments de bonheur. Deux consonnes et deux voyelles mettent fin à la quête poétique. Deux syllabes qui "soleillent" les joies retrouvées de l'innocence et de la pureté d'âme.
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