Soirs d'enfance pour aubes de vie
par Bernard Payet .
Pour ce nouveau voyage poétique, Michel Ducasse nous guide avec ses yeux d’homme révolté, son âme d’amant et son cœur de père. Dès les premiers mots, la destination semble lointaine. Tant mieux ! Car l’itinéraire est humaniste, profond et doux.
Si dérisoires qu’il le prétende au vu de notre monde sensible, les mots pour Michel Ducasse sont essentiels quand on souhaite s’approprier notre monde intelligible. Dès lors, les mots sont à jouer et il en joue avec virtuosité. On les sent venir, on les entend sourire, on les voit mûrir et on les touche enfin pour finir par y goûter. Des mots tus par les hommes et par leur guerre à faire taire un vieillard et rendre aveugles les enfants. La révolte du poète est là, presque à toucher de syllabe. Alors, on brûle d’envie de n’avoir qu’“amour pour parler aux canons et rien qu’une chanson pour convaincre un tambour ”.
Plus loin sur la route, avec quelques braises de mots, un grand feu nous raconte la passion des amants sous un tango bleu nuit. Il y a des souvenirs en mots: une enfance qui chavire, des baisers qui fleurissent, la ciselure des corps amarrés… Et dans les yeux de cette rencontre, on aperçoit la toile de la passion tissée de mots plus ensoleillés les uns que les autres.
Port Lisa, le voyage s’achève déjà. Sur les quais: la tendresse, poussière de larmes sous brise… de mots. Bouquet de promesses à bout de bras ouverts, le père parle à sa fille, lui donne de l’enfance en héritage. Et s’il met genoux en terre, ce n’est pas par signe d’esclavage mais pour être à la hauteur… de ses yeux, pour se lire en eux, s’écrire en eux et s’offrir à eux.
Ces soirs d’enfance ne nous disent pas l’achèvement mais le début, car ni l’homme révolté, ni l’amant, ni le père, ni l’enfant qu’il a été ne peuvent et ne pourront sombrer ! C’est pourquoi, une fois le dernier mot savouré, on a envie d’être l’ami du poète et recommencer la lecture du voyage, puis être de sa famille et recommencer à nouveau et encore et encore…
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